La requalification du contrat d’entreprise en contrat de travail

On qualifie de “faux indépendant” le travailleur déclaré comme indépendant alors qu’il exerce en réalité son activité professionnelle sous l’autorité d’un employeur, ce qui implique qu’il devrait en principe être déclaré comme un salarié.

Le contrat d’entreprise conclu entre le travailleur et une entreprise risque la requalification en contrat de travail.

I. Différences entre un contrat de travail et un contrat d’entreprise

  • Un contrat de travail est « un contrat par lequel un travailleur s’engage, contre rémunération, à fournir un travail sous l’autorité de l’employeur »[1].
  • Un contrat d’entreprise est « un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles »[2].

C’est donc l’exercice d’un lien de subordination qui distingue le contrat de travail du contrat d’entreprise.

Le travailleur indépendant dirige lui-même l’exécution de son travail et ne doit pas justifier de l’utilisation de son temps de travail ou de ses absences. Il supporte le risque économique de son activité, détermine lui-même son mode de rémunération et facture lui-même ses prestations.

A l’inverse, l’employé exécute ses prestations sous l’autorité d’un employeur qui a un pouvoir de direction et de contrôle sur lui.

II. Requalification du contrat de travail

Dans la loi-programme du 26 décembre 2008, le législateur établit le principe selon lequel les parties peuvent librement choisir la nature de leur relation de travail, mais également que la qualification donnée doit correspondre à la réalité de la relation.

Si tel n’est pas le cas, la relation pourra être requalifiée par les juridictions du travail.

Pour éviter une condamnation judiciaire, il est également possible, soit à l’initiative d’une des parties, soit à l’initiative des deux parties, de demander un avis à la Commission administrative du règlement de la relation de travail [3].

La requalification de la convention d’indépendant en contrat de travail peut être demandée devant les juridictions du travail.

Qui peut demander la requalification ?

  • Une des parties au contrat, généralement le travailleur, notamment en cas de rupture du contrat ;
  • L’Auditorat du travail ;
  • L’ONSS, informée par ses agents ou par les agents de l’Inspection sociale.

L’ONSS peut également se joindre à une cause introduite par l’une des parties au contrat.
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Quand peuvent-il la demander ?

  • Les parties doivent agir dans un délai d’un an à compter de la rupture du contrat pour les demandes basées sur l’exécution du contrat en tant que tel.
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    Pour les manquements constitutifs d’infractions pénales, c’est le délai quinquennal classique qui s’applique.
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  • L’ONSS doit agir dans les trois ans à partir de la date d’exigibilité de ces créances. En cas de fraude, ce délai peut être porté à sept ans.

 

En cas d’incertitude quant à la qualification de la relation de travail, il est possible pour une partie, ou les deux parties, d’avoir recours au “ruling social” auprès de la Commission administrative du règlement de la relation de travail. Sur base des éléments factuels de la relation de travail, la Commission déterminera la qualification juridique réelle de la relation.
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Quand peut-on demander cet avis ?

Cette demande peut être faite avant le début de la relation de travail, au moment de l’affiliation à la caisse d’assurance sociale, soit dans un délai d’un an après le début de la relation de travail.
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Sur quels critères se base la décision de la Commission ?

A. Critères généraux

Pour évaluer si la qualification donnée correspond à la réalité, la Commission prend en compte quatre critères généraux :

  1.  la volonté des parties, telle qu’exprimée dans leur convention, mais uniquement si celle-ci est conforme à l’exécution effective du travail ;
  2. la liberté d’organisation du temps de travail ;
  3. la liberté d’organisation du travail ;
  4. la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.

B. Secteurs sensibles, critères complémentaires

Un système particulier de renversement de la charge de la preuve est mis en place dans certains secteurs dits « sensibles », soit :

  • le secteur de la construction
  • le secteur du transport
  • le secteur du gardiennage
  • le secteur du nettoyage
  • le secteur de l’agriculture et de l’horticulture.

Dans ces secteurs, lorsque la moitié des critères listés ci-dessous sont remplis, la relation de travail est présumée, jusqu’à preuve du contraire, être exécutée dans les liens d’un contrat de travail [4] :

  1. absence, dans le chef de l’exécutant, d’un quelconque risque financier ou économique ;
    • Absence d’investissement personnel substantiel dans l’entreprise avec du capital propre
    • Absence de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de l’entreprise
  1. absence de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de l’entrepris ;
  2. absence de pouvoir de décision concernant la politique d’achat de l’entreprise ;
  3. absence de pouvoir de décision concernant la politique des prix de l’entreprise ;
  4. absence d’une obligation de résultat concernant le travail convenu
  5. garantie de paiement périodique, quel que soient les résultats de l’entreprises ou le volume des prestations fournies ;
  6. ne pas être soi-même employeur et ne pas avoir la possibilité d’engager librement du personnel ou de se faire remplacer pour l’exécution du travail convenu ;
  7. ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d’autres personnes ou de son cocontractant, ou travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant ;
  8. travailler dans des locaux dont on n’est pas le propriétaire ou le locataire avec du matériel mis à disposition, financé ou garanti par le cocontractant.

Cette présomption peut être renversée par toute voie de droit, et notamment sur base des quatre critères généraux cités ci-dessus.

La présomption ne s’applique pas dans le cadre des relations de travail familial. C’est notamment le cas si vous collaborez, en tant qu’indépendant, avec :

  • des membres de votre famille jusqu’au troisième degré ou avec votre cohabitant légal,
  • ou avec une entreprise détenue à plus de 50% par un membre de votre famille jusqu’au troisième degré.
    .

Conséquences de la requalification par la Commission

La décision rendue par la Commission sera contraignante envers les instances l’ONSS, l’INASTI et les caisses d’assurance sociale pour une période de trois ans à moins que les circonstances de la collaboration changent avant la fin de cette période de trois ans.

Si la Commission de règlement de la relation de travail requalifie à tort une relation de travail, un recours peut être introduit devant les juridictions du travail dans le mois qui suit l’adoption de la décision.


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III. Risques encourus

Dissimuler une relation de travail salariée sous une fausse activité indépendante est illégale. Il s’agit d’une fraude sociale, qui peut être sévèrement sanctionnée.

  • Premièrement, si le contrat est requalifié en contrat de travail, toute la relation de travail sera soumise au droit du travail. Ceci a pour conséquence principale que le contrat pourrait être considéré comme un CDI conclu pour un temps plein [5].
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  • Si le travailleur intente une action contre l’employeur, il pourrait lui réclamer le bénéfice des avantages financiers propres au contrat de travail :
    • Arriérés de rémunération
    • Primes de fin d’années et pécules de vacances
    • Rémunération des heures supplémentaires prestées
    • Paiement d’une indemnité compensatoire de préavis
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  • Le travailleur peut également demander la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la législation. Le dommage correspond à la différence entre la couverture sociale d’indépendant dont il a bénéficié et la couverture sociale dont il aurait dû bénéficier en tant qu’employé.
    .
  • En cas de requalification de contrat, l’ONSS s’adressera également à l’employeur pour le paiement des cotisations personnelles et patronales sur les rémunérations perçues par le travailleur au cours des trois dernières années. En cas de fraude, cette période peut être allongée jusqu’à 7 ans.

Le risque de requalification incombe exclusivement à l’employeur. La clause du contrat d’entreprise par laquelle l’employeur transfère ce risque au travailleur et rend ce dernier responsable du paiement des cotisations de sécurité sociale en cas de requalification est nulle [6].

Des intérêts de retard de 7% par an et une majoration des cotisations de 10% du montant seront également appliquées. Enfin, une indemnité pourrait également être réclamée pour défaut de remise de déclaration trimestrielle.

En cas de fraude, le juge peut décider de condamner d’office l’employeur au paiement des arriérés, des majorations et des intérêts.

  • La non-déclaration de prestations à l’ONSS implique des sanctions pénales lourdes, notamment des amendes. En n’ayant pas occupé le travailleur sous un statut de salarié, l’employeur aura par ailleurs probablement commis une série d’autres infractions, comme ne pas avoir souscrit à une assurance contre les accidents du travail, ne pas avoir respecté la législation en matière de bien-être au travail ou de durée de travail, etc.
    .
  • Enfin, si le travailleur est condamné à payer des arriérés de rémunération ou de pécule de vacances, par exemple, ces montants seront taxés. Un précompte professionnel sera également dû, sans préjudice des éventuels intérêts.

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[1] Loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, articles 2 et 3.

[2] Code civil, article 1710.

[3] Le travail de la Commission est réglé dans la loi du 25 août 2012 modifiant le Titre XIII de la loi-programme du 27 décembre 2006 en ce qui concerne la nature des relations de travail.

[4] Article 10 de la loi du 25 août 2002.

[5] La loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail impose en effet la présence de certaines mentions obligatoires pour un CDD ou un travail à temps partiel. Si ces mentions ne sont pas reprises, le contrat est par défaut considéré comme un CDI à temps plein.

[6] Article 26, loi du 27 juin 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs

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